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Photo du rédacteurGuerric BRAS

Covid-19 et SCR Pandémie, comment réajuster votre ORSA ?

Solvabilité 2 a notamment été mis en place pour permettre aux assureurs de disposer des fonds propres nécessaires en cas d’événement bicentenaire. La baisse du CAC 40 de près de 40% à l'annonce du confinement a montré la gravité de la pandémie mais aussi la pertinence du calibrage du choc action de la formule standard.

Mais qu'en est-il du calibrage du risque pandémie ? Quelles sont les leçons que nous pouvons tirer de l'épidémie de Covid-19 ? Comment les intégrer dans l'ORSA ?


La notion de pandémie dans la formule standard


Dans la formule standard de Solvabilité 2, la notion de pandémie apparaît dans deux sous-modules pour les produits santé et prévoyance. Le premier correspond au SCR Vie CAT associé à un choc de mortalité et le deuxième correspond au SCR Santé CAT Pandémie.


SCR Vie CAT : le risque décès


Dans la formule standard, le SCR Vie CAT est égal à la perte de fonds propres qui serait associée à une hausse soudaine de 0,15 point de pourcentage des taux de mortalité utilisés dans le calcul des provisions techniques.


Au 8 juin 2020, le Covid-19 a causé 29 150 décès soit 0,04% de l'ensemble de la population. De plus entre le 1er mars et le 13 avril, le nombre de décès a augmenté de 25% en France par rapport à la même époque en 2019. Des disparités régionales importantes peuvent être observées avec une hausse des décès de 91% en Île de France et de 61% dans le Grand-Est. D'autre part, selon Santé Publique France, les décès liés au virus représentent dans 93% des cas des personnes de plus de 65 ans et dans 86% des cas, ceux-ci présentaient une co-morbidité. Il est donc difficile pour le moment de quantifier le véritable effet sur la mortalité du Covid-19.

En effet, ce virus est plus dangereux sur les personnes déjà fragiles qui disposaient avant la pandémie d'une espérance de vie résiduelle réduite. A cela s'ajoute la difficulté de comptabilisation des décès surtout si le virus était déjà présent depuis novembre. Seule une consolidation des résultats après la pandémie permettra de connaitre précisément son impact sur la hausse des taux de mortalité.

En terme de sinistralité, à la vue des caractéristiques des décès observés, les produits de prévoyance des actifs (individuel et collectif) et emprunteurs seront peu touchés par la pandémie. Les produits de type frais d'obsèques dont la clientèle est plus âgée risquent d'enregistrer quant à eux une hausse de la sinistralité.


Pour résumer, il n'est pas encore possible de mesurer l'impact de la pandémie sur les taux de mortalité. Cependant, les résultats montrent une sur-mortalité beaucoup plus marquée pour les plus de 65 ans. L'application d'un choc différencié sur les taux de mortalité en fonction de l'âge peut être pertinent pour améliorer l'adéquation entre la formule standard et les observations de l'épidémie de Covid-19. Les produits d'assurance à destination des seniors seraient donc plus consommateurs de capital.



SCR Santé CAT Pandémie : le risque invalidité et santé


Dans la formule standard, le SCR santé CAT Pandémie est modélisé par l'utilisation de la formule suivante basée sur la pandémie d’encéphalite léthargique (1915-1930) :

Avec :

E l'exposition des entreprises d'assurance sur le risque de protection du revenu (invalidité)

Nc le nombre de personnes assurées par les entreprises d'assurance du pays c en frais médicaux

Mc le montant moyen attendu à payer par les entreprises d'assurance en cas de pandémie


Le montant moyen Mc est évalué en France en prenant en compte une répartition de consommations médicales causées par la pandémie de 1% en hospitalisation, 20% en consultation médicale et 79% dans les autres prestations médicales.


Ainsi, la formule standard considère qu'une pandémie implique une augmentation des invalidités de 0,0075% des assurés couverts. A cela s'ajoute une surconsommation médicale liée à la pandémie pour 40% des assurés.


En ce qui concerne le risque invalidité, les personnes guéries du Covid-19 n'ont pas montré pour l'heure de séquelles suite à la contamination. Le risque d'invalidité est donc assez réduit pour cette pandémie.


Concernant l'augmentation des soins celles-ci est à nuancer.

D'une part, les modèles épidémiologiques de la pandémie conservent une hypothèse de 20% de personnes infectées symptomatiques et parmi elles, 20% nécessitent une hospitalisation. Dans le cadre du Covid-19, l'hypothèse d'une surconsommation de soins pour 40% des assurés est donc supérieure aux observations.

D'autre part, en France, la Sécurité Sociale prend à sa charge les hospitalisations causées par le Covid-19, les téléconsultations ainsi que les analyses médicales en cas de suspicion de la maladie. Tous ces éléments limitent grandement les remboursements des complémentaires santé. A cela s'ajoutent les fermetures des dentistes et opticiens et les difficultés pour réaliser des visites chez des spécialistes durant le confinement. Cela a entraîné une baisse de l'ordre de 60% des prestations versées par les complémentaires. Même si des effets de rattrapage commencent à apparaître depuis la fin du confinement, il existe aujourd'hui une limitation de l'offre de soins causant une baisse durable des prestations servies au titre de l'exercice 2020. Pour les prochains exercices, deux phénomènes contradictoires apparaissent :

  • Une détérioration de la santé des assurés par l'absence du suivi de leur pathologie pendant le confinement

  • Un boom hygiéniste par la généralisation de l'utilisation des gels hydroalcooliques et des masques réduisant fortement les autres épidémies (grippes, gastro-entérite)

Tous ces effets cumulés font que la pandémie a eu un effet bénéfique sur les remboursements de soins pour les complémentaires santé. Cela n'a pas été oublié par les autorités qui commencent à réfléchir à comment utiliser ces bons résultats dans le financement du coût de la pandémie.


En synthèse, nous pouvons dire que le calibrage du choc de pandémie pour le SCR Santé CAT semble donc très pessimiste par rapport à la réalité du Covid-19.



La comptabilisation difficile des arrêts de travail


Plusieurs types d'arrêts de travail ont été mis en place durant la pandémie, nous pouvons notamment citer les arrêts pour garde d'enfant ou encore les arrêts pour isolement des personnes fragiles et à cela s'ajoutent ceux directement liés au Covid-19. Au global, les CPAM ont enregistré un doublement du nombre d'arrêts durant la période de confinement. Les arrêts de travail hors Covid-19 ne sont la plupart du temps pas pris en charge par les organismes d'assurance. Nous pouvons cependant citer certaines institutions de prévoyance qui par mesure de solidarité ont élargi l'indemnisation des arrêts de travail à l'ensemble de ces causes notamment par le biais de contrats de mensualisation.

En terme de modélisation, pour les arrêts Covid-19, les épidémiologistes conservent une hypothèse d'une durée moyenne d'hospitalisation de 10.4 jours. De ce fait, les contrats avec des franchises élevées ne seront que très peu touchés par des arrêts Covid-19 contrairement aux contrats à franchise courte (franchise 3 ou 7 jours et contrats avec rachat de franchise en cas d'hospitalisation).

On peut remarquer que la sur-sinistralité en incapacité, au vu de la formule standard, ne rentre pas dans le calcul du SCR Pandémie.



Pertes de cotisations en cas de pandémie, la grande absente ?


Aujourd'hui ce ne sont pas les remboursements des prestations santé ou la sur-sinistralité en arrêt de travail qui préoccupent le plus les assureurs santé et prévoyance. Il s'agit de la perte de la capacité de leurs assurés à payer leurs cotisations. Cette crainte est d'autant plus forte si l'assuré est une entreprise qui a eu son activité très réduite par le confinement. L'assiette de cotisation dépendant dans la majorité des cas du salaire réellement servi par l'entreprise, le chômage partiel entraîne de fait une baisse de chiffre d'affaires significative pour les organismes d'assurance.

Les défauts de paiement et les conséquences financières de la portabilité des droits des salariés licenciés auront des effets plus néfastes sur les assureurs que l'application des garanties prévoyance et santé induites par le Covid-19. Certaines institutions de prévoyance ont pu limiter ces effets en mettant en place une exonération temporaire des cotisations en puisant dans leurs réserves mais tous les organismes d'assurance ne sont pas en mesure d'effectuer de tels montages.

Cette notion de perte de cotisations n'est pas intégrée directement dans la formule standard en cas de pandémie.



Conclusion


En conclusion, le Covid-19 permet de challenger les conséquences théoriques des modèles aux réalités des pandémies. Même si les conséquences sanitaires sont à consolider, plusieurs éléments ressortent :

  • Le choc sur les taux de mortalité pourrait être plus précis en réalisant un modulation du choc en fonction de l'âge de l'assuré

  • La pandémie a entraîné une sous-sinistralité importante pour les complémentaires santé qui en France assurent principalement des soins dits de confort (dentaire, optique, médecine douce)

  • Les pertes de cotisations induites par la pandémie ne sont pas intégrées dans la formule standard et présentent le risque le plus important pour les assureurs


Ces observations permettent d'apporter un éclairage sur le calibrage du risque pandémie dans la formule standard. Cependant, il faut garder à l'esprit que cette formule a pour but de modéliser les capitaux propres nécessaires pour tout type de pandémie et non de coller à l'entière réalité de celle que nous vivons. Pour améliorer la modélisation des pandémies dans le cadre de Solvabilité 2, les organismes d'assurance peuvent toujours s'orienter vers des modèles internes de type épidémiologique :


En tout état de cause, les conséquences de cette pandémie devront servir de socle à la construction de nouveaux scénarios à intégrer dans les rapports ORSA. En effet, cette période a montré les effets de la mise en place d'un confinement généralisé de la population qui permet certes de limiter la propagation de la maladie mais entraîne des conséquences économiques graves pour tous les secteurs. Il parait donc intéressant d'intégrer des simulations couplant un choc sur les actifs financiers, un choc sur la sinistralité ainsi qu'un choc relatif à une perte importante de chiffre d'affaires.

Ces scénarios montreront la résilience de l'organisme d'assurance face à une éventuelle deuxième vague de l'épidémie durant l'automne ou une autre épidémie de type Covid.




 

Rédacteurs : Aurélie TREILHOU - Guerric BRAS

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