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Photo du rédacteurIsabelle DELESTRADE

Appétence au risque des assureurs : quelles sont les tendances ?

Dernière mise à jour : 26 févr. 2021

En tant qu’élément de pilotage des compagnies d’assurance, l’appétence au risque a vu ses caractéristiques évoluer depuis son introduction en 2016. Cet article dresse un état des lieux des approches utilisées en terme de dimensions, de métriques, de méthodes, de cibles et d’horizons par plusieurs acteurs du marché.


L’appétence au risque, une vision essentielle


L’appétence au risque est au cœur de la politique de gestion des risques. Elle est associée au profil de risque et à la gouvernance, et représente un élément clé d’aide à la décision stratégique des organismes du secteur de l’assurance.


Une définition proposée en 2014 par l’Institut des Actuaires indique que l’appétence au risque d’un organisme assureur correspond au niveau de risque maximal que l’organisme accepte de prendre pour atteindre ses objectifs stratégiques sur une période de temps donnée.


Il est à noter que cette notion n’apparaît ni dans la Directive Solvabilité 2, ni dans le Règlement Délégué. Elle figure uniquement dans les textes d’orientations préparatoires :

  • sur la gouvernance (applicables dès 2015) où il est précisé que l’organe de surveillance porte la responsabilité de l’efficacité du système de gestion des risques. Il fixe l’appétence au risque et les limites de tolérance générale au risque de l’entreprise en approuvant les stratégies et politiques principales de gestion des risques,

  • sur la communication où il est mentionné que les rapports RSR groupe doivent fournir des informations narratives et quantitatives sur toute concentration de risque significative au niveau du groupe, notamment sur l'appétence au risque et la stratégie en matière de risque du groupe.

Pour autant, la notion d’appétence a fait sa place au sein des organismes d’assurance. Elle donne le niveau global de risque de la politique de gestion des risques que l'organisme est prêt à prendre pour la réalisation de ses objectifs stratégiques (croissance, rentabilité, mix-produit,...) sur l'horizon de son business plan. Cette notion reste évolutive, cyclique et difficile à appréhender tant par sa nature subjective que ses tenants stratégiques.


D’ailleurs, en juillet 2020, l’ACPR a émis son bilan sur la mise en place des nouvelles règles de gouvernance et précise : « l’appétence au risque est suivie par la grande majorité des organismes, de manière plus ou moins approfondie ; elle est exprimée systématiquement en référence au niveau de solvabilité et parfois de résultat et de notation financière. Il apparaît, toutefois, qu’elle n’est pas suffisamment prise en compte à des fins de pilotage par une minorité d’organismes : le non-respect des niveaux d’appétit au risque tels qu’exprimés par l’organe de surveillance ne conduit pas à un plan de remédiation. »


C’est dans ce contexte que nous avons souhaité faire un retour d’expérience de différentes structures et d’activités.


Périmètre de l'appétence au risque


Les indicateurs retenus pour l'évaluation de l'appétence doivent couvrir l’ensemble de l’univers des dimensions stratégiques et prennent en compte les différentes problématiques de toutes les parties prenantes. Dès 2015, lors des contrôles ACPR, les observations indiquaient que l’appétence devait être fondée sur d’autres dimensions que la solvabilité, en lien avec le pilotage de son activité.


Pour définir son appétence au risque, un assureur doit déterminer l’ensemble de ces caractéristiques :





Caractéristiques des répondants


Notre article se base sur un panel de répondants représenté par les trois formes juridiques différentes et les trois secteurs d'activité selon ces répartitions :






Les indicateurs d’appétence au risque utilisés



En moyenne, le nombre d’indicateurs d’appétence utilisé par les assureurs questionnés est de 4 sur un minimum de 2 et un maximum de 8. Les indicateurs mentionnés reflètent ainsi l’hétérogénéité des stratégies des compagnies d’assurance.


Les dimensions les plus représentées sont la solvabilité, le résultat et la liquidité, viennent ensuite, le ratio combiné, la valeur de la compagnie et les risques opérationnels.


D’autre part, un quart des répondants a indiqué que leur appétence pouvait être des indicateurs qualitatifs, ces répondants étant également répartis selon leur activité (vie, non vie et mixte), ils sont tous des sociétés anonymes.


Les pratiques de place des principales dimensions


1. Solvabilité & Cadre réglementaire / Solvabilité


Le ratio de solvabilité est une métrique d'évaluation de la solvabilité utilisée par la totalité des assureurs. Son universalité n'exclut pas l'utilisation d'autres indicateurs :



Malgré l'utilisation d'autres métriques par certains assureurs telles que la variation de SCR ou le niveau de fonds propres, l'ACPR notifie régulièrement les assureurs sur le cadre d'appétence qui doit rester en lien avec le pilotage de leur activité et ne pas se focaliser uniquement sur la solvabilité. En effet, l'appétence est très souvent définie en fonction du taux de couverture du SCR par les fonds propres du bilan en normes Solvabilité 2.


Suite aux dernières règles d’intégration de la provision pour participation aux bénéfices dans les fonds propres et donc dans les ratios de solvabilité, le suivi sur la solvabilité par l’ACPR est attendu avec et sans intégration de la provision pour participation aux bénéfices.


Les niveaux d’appétence étant hétérogènes selon les structures et les activités, on peut dire qu’en moyenne, ils se situent au-dessous d’environ 50 points des ratios de solvabilité réels.


Les différentes caractéristiques récoltées des appétences liées à la solvabilité sont résumées ci-après.


2. Valeur & performance / Suivi de l'activité / Résultat


La grande majorité des acteurs intègre un suivi de leur activité dans leur cadre d’appétence, l’indicateur le plus suivi dans 92% des cas est le résultat, vient ensuite le suivi du ratio combiné (42% des cas, concerne uniquement les activités non vie), et selon les activités, le suivi du chiffre d’affaires et des encours (dans 8% des cas).


Les différentes caractéristiques récoltées des appétences liées au résultat sont résumées ci-après.


3. Valeur et performance / Valeur de la société


Le suivi de la valeur de la société, embedded value et new business value, est présente dans 33% des appétences.


La Market-Consistent Embedded Value représente une mesure de la valeur économique des activités d’assurance de personnes et des activités liées, sur la base d’une évaluation en juste valeur des actifs et des passifs. Son utilisation permet de compléter le cadre d'appétence au travers de l'appréciation de la valeur d'une entreprise vie ou d'un groupe mixte.


Les différentes caractéristiques récoltées des appétences liées à la valeur de l’entreprise sont résumées ci-après.


4. Solvabilité & Cadre réglementaire / Suivi du risque de liquidité


Le suivi du risque de liquidité est présent dans 58% des cadres d'appétence étudiés. Il concerne aussi bien les actifs que les passifs ainsi que les interactions actif-passif qui peuvent intervenir.


Les différentes caractéristiques récoltées des appétences liées au suivi du risque de liquidité sont résumées ci-après.


5. Solvabilité & Cadre réglementaire / Suivi des risques opérationnels


Le suivi des risques opérationnels est présent dans 25% des appétences. Il correspond au risque de perte résultant de procédures internes, de membres du personnel ou de systèmes inadéquats ou défaillants, ou d'événements extérieurs.


Les différentes métriques de suivi peuvent être :

  • Des critères qualitatifs et quantitatifs pour l’excellence ;

  • Des risques majeurs selon des mesures de perte maximale.

La gestion des risques opérationnels et le système de contrôle interne sont traités dans le cadre d’une approche propre. Une cartographie des risques opérationnels permet de piloter efficacement ces risques.


Par exemple, l’évaluation des risques opérationnels peut être effectuée sous forme d’auto-évaluation selon trois types d’impacts (perte financière, information financière inexacte, atteinte à la réputation) selon une intensité et une probabilité d’occurrence. Le résultat de cette auto évaluation des risques fait apparaître une grille d’évaluation comprenant trois valeurs de risques : « faible », « moyenne », « élevée ». L’évaluation des risques est effectuée après examen des mesures existantes et efficaces de gestion des risques.


Conclusion : l’appétence comme outil de pilotage global de l'activité


La définition de l’appétence permet aux organismes d'assurance d’encadrer leur prise de risque pour s’assurer que leurs orientations stratégiques sont cohérentes avec leurs différentes contraintes et spécificités.


L'appétence s’inscrit dans un dispositif plus large qu’est la gestion des risques d'entreprise (ERM) qui regroupe l'analyse des risques, l'ORSA, l'ensemble des reportings mis en place ainsi que les politiques écrites et les procédures, tous ces éléments étant interdépendants.

C’est ce dispositif dans son ensemble, dans sa gestion saine et prudente, qui fait l’objet d’une attention toute particulière de la part de l’ACPR.


L’introduction ou le changement de tout indicateur en terme de méthode ou de seuil doit être fait sur plusieurs exercices afin d’être calibré en tenant compte des situations futures et d’être compris et apprécié de toutes les parties prenantes.


Enfin, les évolutions de l’environnement des assureurs qu’elles soient économiques, réglementaires ou autre justifient l’évolution des dimensions de l’appétence au risque. C’est le cas par exemple de l’introduction des indicateurs de RSE. La durabilité des assureurs devenant un enjeu de préoccupation de plus en plus important, ils devraient venir compléter les autres dimensions de l’appétence au risque.


Mise à jour Février 2021


Rédacteurs : Isabelle Devine / Stanislas Rousseau

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