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Courtage : exploitation des données en assurance non-vie/IARD

Dernière mise à jour : 4 oct. 2022


L’ORIAS (Organisme pour le Registre des Intermédiaires en Assurance) recense l’ensemble des intermédiaires en assurance, banque et finance autorisé à commercialiser des contrats d’assurances. Dans son rapport d’activité 2020, l’ORIAS évaluait la part de marché des courtiers en assurance non-vie à 17% pour l’année 2018. Elle est de 22% en 2020. Les courtiers et les agents totalisent 47% des parts de marché, ce qui fait de l’intermédiation le premier canal de distribution de produits d’assurance non-vie en France.


Répartition des parts de marché (%) par canal de distribution en assurance non-vie en France (Source : observatoire européen des intermédiaires d’assurance édition 2021)

 

Le marché de l’assurance non-vie est un marché hautement concurrentiel. Il existe un grand nombre de produits ne proposant pas forcément les mêmes garanties, ni le même niveau de couverture. Cette forte variété est à double tranchant pour l’assuré. D’un côté, il peut choisir spécifiquement un produit qui contient exclusivement les garanties qui l’intéressent. De l'autre, cette diversité de produits contribue aussi à troubler la compréhension du marché par les assurés. C’est là que le courtier intervient. En tant que médiateur, il a un devoir de conseil envers l’assuré et doit proposer un produit d’assurance à la fois adapté aux besoins de l’assuré mais également compétitif.


Le courtier est un expert du marché. Il a un regard transverse sur les différents produits proposés. Il est donc un allié de poids pour les assureurs afin d’augmenter leur visibilité. Le courtier n’est pas un agent général. Il travaille avec diverses compagnies d’assurance qui proposent elles-mêmes plusieurs produits. Un courtier en partenariat avec plusieurs compagnies d’assurance a donc une position de choix pour conseiller les assurés. Le courtier dispose de la donnée nécessaire pour résoudre bon nombre de problématiques que nous allons présenter dans cet article.


Prix de marché : une vision transverse


Le prix de marché est une valeur théorique qui définit le prix moyen de la transaction d’un bien. Ici, dans le cadre assurantiel, le bien est un produit d’assurance dont nous savons pertinemment que sa valeur varie fortement en fonction des caractéristiques de l’assuré et du niveau de garantie proposé par l’assureur. Ainsi, le prix de marché peut se mesurer simplement en observant les transactions (souscriptions). La théorie est plutôt simple à comprendre, mais dans la pratique estimer un prix de marché est particulièrement complexe pour plusieurs raisons :

  • Le marché évolue. Ces dernières années, entre inflation et coût des matériaux en haussent, le coût moyen des sinistres n’a fait qu’augmenter. Pour se prémunir de ce risque, les assureurs n’ont eu d’autres choix qu’augmenter les primes d’assurances. Le prix de marché a donc évolué à la hausse ces dernières années, il est important d’intégrer une composante temporelle au prix de marché.

  • Le marché est hétérogène. Il existe une grande diversité de produits, de garanties, de clauses d’assurance, de montants de couverture. À cela se rajoutent les caractéristiques de l’assuré / bien à assurer qui ont un impact certain sur le tarif.

  • Enfin, il faudrait parvenir à observer l’intégralité du marché, ou une partie suffisamment représentative afin de calculer le tarif moyen pour chaque mois, dans chaque ville, pour chaque profil assuré, pour chaque bien assuré, pour chaque niveau de garantie, etc….

Le prix de marché sert de référence afin de savoir si, toutes choses égales par ailleurs, un produit est compétitif ou non. Nous utilisons communément le terme de positionnement pour décrire cet écart. Un positionnement de 0 signifie que le tarif proposé est cohérent avec le marché. Un positionnement positif, 0,1 par exemple, signifie que le produit propose des prix 10% au-dessus du marché. Le prix de marché permet donc de contextualiser l’information afin de notamment évaluer la sensibilité au prix des assurés.


Analyse de la sensibilité au prix des assurés


Sous réserve que le prix de marché soit correctement estimé, le positionnement est un indicateur qui permet d’apprécier la sensibilité au prix des assurés. Intuitivement, nous nous attendons à ce que le taux de transformation des devis en contrats diminue pour un positionnement croissant. Le sujet de la sensibilité au prix est un sujet important pour les assureurs. Certains d'entre eux ont essayé d’apporter des réponses avec plus ou moins de succès.


La sensibilité au prix d’un assuré intervient à deux moments dans la vie du contrat. À la transformation, lorsque le devis est transformé ou non en contrat, mais également à la résiliation lorsque l’assuré va à la concurrence suite à une offre plus généreuse. Ce n’est pas la seule cause de résiliation, mais c’est la plus courante. La transformation d’un devis en contrat valide le fait que le tarif proposé est suffisamment proche du prix de marché perçu par l’assuré. À l’inverse, la résiliation d’un contrat valide généralement le fait que le tarif n’est plus en adéquation avec le marché. Dans la pratique, il est commun de considérer que la sensibilité au prix d’un assuré lors de la transformation est la même que la sensibilité au prix lors de la résiliation. C’est une hypothèse commode qui n’a cependant pas été démontrée.


Sur-sinistralité et fraude


Outre la transformation et la résiliation, les courtiers qui font de la gestion de contrats ont également un regard sur la sinistralité des assurés. Là encore, le regard transverse du courtier est un atout majeur qu’il doit exploiter au mieux. Classiquement, les données des sinistres permettent à la fois de modéliser la fréquence des sinistres ainsi que leur coût moyen. Cela aboutit à la construction d’une prime pure qui permet la création d’un tarif. Cette démarche est standard et normalisée. Il existe une large gamme de modèles économétriques ou de machine learning permettant de calculer la prime pure (GLM, GAM, random forest, XGBoost, Catboost, etc…). Le courtier grossiste peut, sous réserve de données suffisantes ou via une méthodologie prudente, cf article "Comment composer avec un manque de données", construire une prime pure et donc un tarif.


La sur-sinistralité ou la fraude sont des sujets importants pour l’assureur. Elles peuvent déséquilibrer le portefeuille de façon durable si elles ne sont pas détectées à temps. En tant que gestionnaire, le courtier doit être sensible à ces problématiques, les détecter et proposer des solutions. Par exemple, il peut s’intéresser à l’émergence des sinistres, le délai d’apparition du premier sinistre de l’assuré. Que ce soit une fraude ou de l’aléa moral, une sur-sinistralité juste après la souscription indique en général que l’assuré est un mauvais risque. Un délai de carence peut par exemple être appliqué à certaines garanties afin de se prémunir des souscriptions avec déclaration de sinistre immédiate. La franchise peut être revue à la hausse pour dissuader les mauvais risques. Ces solutions impactent la transformation du produit et représentent donc un coût pour le courtier et l’assureur.


Lors de la création d’un produit d’assurance, le tarif est calculé afin de couvrir la totalité de la sinistralité d’un portefeuille cible composé de segments inégaux en exposition et en sinistralité. Une fois commercialisé, il est possible que le portefeuille subisse une dérive, un déséquilibre entre les différents segments. Par exemple, un segment qui était jugé minoritaire en termes d’exposition peut avoir un tarif inadapté. Celui-ci favorise la transformation sur ce segment et contribue à déséquilibrer le portefeuille. La sur-sinistralité, en réponse à une sous-tarification, représente un coût évident, une perte sèche pour l’assureur. De même, la sous-sinistralité en réponse à une sur-tarification a également un coût qui prend la forme d’un manque de gain pour le courtier comme pour l’assureur. Il est possible que sur un segment sur-tarifé, la baisse du tarif engendre une hausse de la transformation et de la rétention qui permette de couvrir la baisse du montant de prime sur ce même segment. L’analyse de la sensibilité au prix sera déterminante pour évaluer le coût potentiel d’une sur-tarification. Si le coût d’une sur ou sous-tarification est correctement évalué alors il est théoriquement possible de proposer des stratégies de retarification afin de minimiser ce coût.


Le courtier doit user de son expérience afin de détecter ces niches de sur/sous-tarification afin de rééquilibrer voire optimiser le portefeuille. Le courtier a un devoir de conseil envers l’assuré, mais il a également intérêt à conseiller l’assureur. Sa rémunération doit être à la hauteur de son expertise et de la bonne gestion du risque.


Rémunération de l’activité de courtage


La rémunération des courtiers peut se présenter de différentes façons. Dans la plupart des cas, elle est supportée par l’assuré. Il existe trois méthodes de rémunération principales : les honoraires, qui consistent en un paiement direct du client envers le courtier, et qui correspond au prix de la prestation de ce dernier. Les honoraires rémunèrent le plus souvent dans ce cas des activités de conseil fournies par le courtier, elles sont rarement appliquées. Les frais de courtage, qui correspondent à un montant fixe facturé à la signature du contrat, afin de rembourser les frais de gestion liés à la souscription uniquement. En pratique, les frais de courtage ne sont pas employés systématiquement, mais sont toujours à la charge du client. La commission d’intermédiation est le mode de rémunération principal du courtier.


La commission d'intermédiation se décline en trois types : les commissions de gestion, les commissions d’apport, les commissions de renouvellement. Les commissions de gestion sont payées par l’assureur dans le cas où le courtier dispose d’une délégation de l’assureur dans le cadre de la formalisation et de la souscription des contrats, voire de la gestion des sinistres. En ce qui concerne le fonctionnement des commissions d’apport et des commissions de renouvellement, différents mécanismes existent. On distingue en effet les commissions linéaires des commissions précomptées.


Dans le cas des commissions linéaires, il s’agit de garder au même taux tous les ans la rémunération du courtier. En supposant que le tarif calculé par l’assureur n’évolue pas dans le temps, la rémunération du courtier reste également stable.


Dans le cas des commissions précomptées, il s’agit de rémunérer très fortement les courtiers via les commissions d’apport et de les rémunérer plus faiblement via les commissions de renouvellement. De plus, le déséquilibre entre les commissions d’apport élevées et les faibles commissions de renouvellement ont pour effet de forcer l’assureur à renoncer à ses chargements la première année. Dans le cas où l’assuré reste longtemps en portefeuille, l’assureur récupère ces chargements petit à petit grâce à la baisse des commissions, mais si l’assuré quitte le portefeuille trop tôt, ce mécanisme provoque une perte pour l’assureur. Ce système de commissionnement est très critiqué par les assureurs car l’objectif du courtier dans ce cas diffère légèrement de l’objectif de l’assureur déstabilisant ainsi le partenariat entre courtier et assureur. Pour éviter cela, les assureurs proposent des primes de surperformance pour que l’intérêt économique du courtier soit au plus près de l’intérêt économique de l’assureur. Ces méthodes de commissionnements sont par ailleurs dans le viseur de la réforme de la Directive sur la Distribution d’Assurance et seront peut-être interdites en 2023.


 

L'activité de courtage en assurance non-vie/IARD génère bon nombre de données. Leur correcte exploitation par les courtiers est une étape essentielle pour la pérennisation de leurs partenariats avec les assureurs.


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