Dans son Call for Advice, la Commission a demandé à l’EIOPA si l'actuelle calibration du sous-module de risque de taux d’intérêt avec la formule standard reflète correctement les risques auxquels sont confrontés les assureurs, compte tenu du contexte de taux bas et négatifs. L’EIOPA doit aussi proposer des alternatives dans le cas où cette analyse révèlerait que la méthode actuelle est inadaptée, en tenant compte des interactions potentielles avec les paramètres de la structure des taux d’intérêt sans risque.
L’EIOPA maintient sa position de 2018. Elle conclut que l’étalonnage actuel sous-estime le risque taux et conseille la méthode par décalage relatif (ou shifted relative approach)
Pour rappel, lors de la première clause de révision en 2018, l’EIOPA avait déjà pris l’initiative de traiter le sujet du risque de taux, sans demande explicite de la Commission. L’objectif était de proposer une méthode de calcul qui intégrerait un choc également pour les taux négatifs, ce qui n'est pas réalisé dans l'état actuel du risque de taux.
Deux méthodes avaient alors été testées dans ce 1er papier de consultation : la méthode des chocs minimum et la méthode combinée (avec minimum + choc affine). C’est finalement une troisième méthode qui avait été retenue par l’EIOPA : la shifted relative approach ou approche par décalage relatif. Cette proposition de révision de la méthode de calcul du choc de taux avait été accompagnée d’une proposition de mise en place graduelle sur 3 ans.
Les réactions furent plutôt mitigées du côté des assureurs car ceux-ci étaient déjà préoccupés par un choc actions considéré comme trop coûteux. Ils étaient donc peu enthousiastes à l’idée d’un nouveau choc taux qui requiert davantage de capital de solvabilité.
Finalement, la Commission n’a pas modifié la méthode de calcul du risque taux en 2019 et a fait savoir qu’elle considèrerait le sujet lors de la seconde revue de 2020.
En effet, la méthode actuelle, de par sa formule de calcul, annule l'effet de tout choc taux dès lors que les taux d'intérêts sont négatifs.
L’EIOPA propose donc une méthode alternative : la shifted relative approach, dont les formules de calcul sont explicitées et illustrées ci-dessous.
L’EIOPA fournit aussi dans sa proposition, les coefficients multiplicatifs (s) et additifs (b) pour chaque maturité et selon l’hypothèse choisie en ce qui concerne le LLP.
Selon l’EIOPA, les avantages du changement de méthode, à savoir :
une meilleure prise en compte du risque dans un environnement de taux bas ou modérés,
une résilience accrue face à de nouvelles baisses de taux
une meilleure gestion du risque sans forcément complexifier l’approche pour les assureurs
et une garantie d’une meilleure gestion du risque pour les assurés
surpassent ses défauts :
un accroissement de l’exigence en capital réglementaire
et une modification significative du calibrage du référentiel prudentiel, notamment la communication financière.
Les impacts et notre avis
Comme nous le précisions pour l'évolution envisagée de l'extrapolation de la courbe des taux, il est impératif de préserver le cadre du référentiel aussi stable que possible.
Néanmoins, lorsque les exigences en capital sont véritablement mal estimées, il est primordial d'ajuster la directive des modifications nécessaires.
Il n'en reste pas moins que le changement de méthodologie et la comptabilisation du choc pour les taux négatifs peut avoir de gros impacts négatifs sur le ratio de couverture pour tous les acteurs.
En effet, le "SCR taux down" serait bien supérieur à celui calculé avec la méthode actuelle par un assureur, ce qui engendrerait une augmentation très significative du SCR marché, et par conséquent une importante baisse du ratio de solvabilité.
L'impact serait d'ailleurs d'autant plus important si une modification de l'extrapolation de la courbe des taux avait lieu également...
Le seul moyen de préserver la stabilité du cadre référentiel est d'envisager une évolution progressive et sans doute transitoire de cette modification.
Cette évolution devra en effet garantir une cohérence dans les publications du pilier 3 pour maintenir un climat de sécurité pour les assurés.
Pour ce qui est des exigences réglementaires, cela donnera aux organismes une certaine latitude pour s'y conformer progressivement, tout en permettant que l'impact soit finalement amoindri le jour où les taux reviendront à une situation, nous l'espérons, un peu plus positive.
Rédacteurs : Jean-Baptiste Alves / Anne-Sophie Musset
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